Le jour filtre à travers les volets fermés, il doit être un peu plus tard que d’habitude. En général ils fait encore nuit lorsque j’ouvre l’oeil. Je ne suis pas une adepte des grasses mat’, je suis rythmée ainsi, j’ai le réveil précoce. Celui ci, plus tardif, me donne pourtant l’impression de n’avoir pas encore dormi, c’est un de ces réveils pâteux, engourdis et fatigués qui succède à une mauvaise nuit.
Jour 18, samedi.
J’entends l’adolescent se lever prendre son téléphone et retourner se blottir sous sa couette… J’aurais préféré qu’il dorme un peu plus, nous nous sommes couchés tard et il ne doit pas être plus de 8 heures. Parfois je me demande s’il ne sortira pas complètement aveugle et neurasthénique de ce confinement tellement il passe des heures à fixer cet écran minuscule, quand ce n’est pas pour y jouer, c’est pour y regarder des vidéos de gens qui jouent.
Mais nous avons capitulé, il donne le change, il suit ses cours sans rechigner durant la semaine, son travail est rythmé quotidiennement par des horaires réguliers, le reste du temps nous lui laissons occuper son temps confinement à sa guise.
Cette situation n’a pas l’air de l’impacter le moins du monde, bien au contraire, il semble s’y être adapté parfaitement. Sa nature sociable n’est pas frustrée car il continue de communiquer avec son cercle d’amis et à jouer en réseau avec la plupart d’entre eux, et sa nature sédentaire est quant à elle pleinement comblée par les mesures de restriction de sortie qui lui donne l’excuse idéale pour passer le plus clair de son temps libre dans sa position favorite à savoir à demi allongé, sur son lit ou le canapé du salon, téléphone ou manette à la main, casque sur les oreilles, en mode autiste (ou schizophrène lorsqu’il se met à parler à un quelconque individu en ligne de manière aussi soudaine qu’inattendue ce ne manque jamais de me faire frôler l’infarctus).
Je me tourne sur le côté. Même s’il me tourne le dos, je devine à sa respiration régulière que mon homme est encore endormi. En ce qui me concerne, je sais que le sommeil ne reviendra pas. Je ressens une douleur légère et sournoise m’enserrer les tempes. Un petit mal de tête naissant qui pourrait avoir plusieurs causes… à commencer par la fatigue oculaire. La veille au soir, je me suis laissée entraîner par mon fils (sans vraiment avoir essayé de lutter je l’avoue) dans une série de grand prix de Mario Kart que nous avons allègrement enchaîné avec le dernier épisode d’une mini série Netflix appelée Self Made (que je recommande) puis par un nombre indéterminés de ceux de la saison 3 de Ozark… (excellente série, vous connaissez ?)
A moins que cette migraine ne soit d’origine digestive car cette orgie d’images avait été précédée de « l’apéro du vendredi soir », pris en Facetime avec mes parents rendus euphoriques par cette technologie qui permet de trinquer à distance. Je me suis couchée nauséeuse, nausée que j’ai mis sur le compte des chips, ou de la bière, ou des parties de Mario kart, ou des 3… D’ailleurs qu’est ce qui m’a pris de manger autant de chips ? Comme si c’était le moment de se goinfrer de chips alors que j’ai toute les peines du monde à faire mes 10 000 pas quotidiens en respectant l’unique heure de sortie et son unique kilomètre de périmètre.
Et alors ? confinement ou pas, pas question de laisser la moindre chance à la petite voix qui dit « faut pas grossir faut pas grossir faut pas grossir » de revenir. Vendredi soir, apéro, chips et bière, bon moment partagé avec mes proches point barre.
Je n’ai pas fait tout ce chemin pour voir tout mon nouvel équilibre voler en éclat en quelques semaines ! Non mais !
Je remonte la couette et, bercée par la respiration lente et régulière de mon homme, apaisée par sa chaleur, je fais mentalement le bilan des 5 derniers jours. Cette troisième semaine a été une semaine éprouvante pour moi sur le plan émotionnel. J’ai eu du mal à garder le cap, à rester positive, à voir le bon côté des choses.
Je me suis sentie assaillie de pensées négatives, d’angoisses et de frustrations.
Je percevais toute actualité et information sur la situation de manière dramatique et catastrophique et, alors que j’avais mis un point d’honneur depuis le début à ne pas me projeter et à vivre au jour le jour, je me suis mise à imaginer une multitude de futurs théoriques possibles dont les issues étaient toutes plus dramatiques les unes que les autres… je vous en passe le récit détaillé, mais entre autres scénari, celui dans lequel cette situation s’éternisait une année entière et à l’issue de laquelle j’avais perdu mes parents, mon boulot et et mon appart (ça vous donne une idée de l’ampleur du truc).
Et puis, même si je pensais être en mesure de prendre le recul qu’il convient, je me suis sentie agressée par des injonctions de tous types, majoritairement en provenance des réseaux sociaux.
Des injonctions au spectre si large qu’elles vont d’un extrême à l’autre à savoir d’un côté : Ne vous laissez pas aller ! Rythmez vos journées ! Habillez vous ! Rangez ! Lisez ! Faites de l’exercice ! Epilez vous ! Faites l’amour ! Riez !
Et, à l’autre bout du spectre, tout le contraire : Restez en pyjama, touffue, velue, le cheveux gras et l’oeil terne, bref, rejetez en bloc tous types d’injonctions, pour le principe, parceque les injonctions, c’est mal !
Formulant ainsi l’injonction ultime, celle de rejeter les injonctions !
Bref, si vous ne prenez pas tout ça avec un peu de recul, c’est à s’arracher les cheveux (qu’ils soient sales, propres, avec ou sans racines).
Quoiqu’il en soit, en ce qui me concerne, dans ce contexte émotionnel de stress intersidéral, l’inévitable a fini par se produire et je me suis retrouvée jeudi matin chez mon médecin traitant qui me rédigeait une énième ordonnance d’antibiotiques visant à enrayer une de ces infections urinaires dont je suis coutumière et qui se manifestent inévitablement dans tous types de situation angoissante.
Ayant compris ce signal d’alerte de la part de mon corps, j’ai décidé, encouragée et aidée par les conseils de l’homme qui partage ma vie (et mon confinement) de tout faire pour reprendre le dessus et à me sortir de cette spirale de négativité.
Sure à présent d’être définitivement réveillée, je me décide à me lever à pas de loup. Un coup d’oeil rapide par la porte entrouverte de la chambre de l’adolescent me confirme qu’il a déjà les yeux rivés à son écran, comme je le pensais. Résignée, je regagne la cuisine pour préparer mon petit déjeuner.
De la fenêtre de la cuisine, le cerisier en fleur du minuscule terrain voisin niché entre deux immeubles, et le ciel d’un bleu limpide semblent s’être ligués pour me narguer.
Même si j’aime l’été parce que c’est la saison des vacances, le printemps est bel et bien ma saison préférée. Toute une symbolique, celle d’un renouveau plein de promesses, la douceur de l’air sans l’agressivité de la chaleur. Ironie du sort, nous avons cette année un magnifique printemps. Pas une goutte de pluie depuis le début du confinement.
Un de ces printemps qui donne envie de longues ballades au grand air, à la campagne ou en forêt. L’envie de remplir ses poumons de cet air doux et pur et ses yeux de ces couleurs nouvelles que nous offre la nature qui renaît.
Pas facile quand on vit en appartement, dans un des quartiers les plus denses de la ville en terme d’urbanisation et que le périmètre d’action en terme de ballade au grand air se limite à quelques blocs d’immeubles.
Même en poussant la promenade un peu plus loin jusqu’au centre de la ville, cela me brise le coeur de voir à quel point tout semble figé, comme si la vie s’était arrêtée du jour au lendemain (ce qui est finalement un peu le cas). Le temps en suspens.
Habituellement, à cette époque de l’année les terrasses son pleines, les places grouillent de monde et de vie, les parcs et jardins verts et fleuris accueillent les jeux d’enfants, les flâneries et premières séances de bronzettes citadines.
Alors, dans ces circonstances, même si j’ai un peu l’impression qu’il me nargue de toute sa splendeur retrouvée, je remercie chaque jour ce cerisier d’exister, d’avoir été planté juste devant la fenêtre de ma cuisine et de me remonter le moral.
Ma tasse de thé fumante à la main, je me délecte de la beauté de ses fleurs, du contraste de leur couleur avec le bleu du ciel.
Je sens alors mon coeur s’emplir d’espoir et d’optimisme, c’est une nouvelle journée pleine de promesses qui s’annonce, confinée peut être, mais en vie, et une belle vie en plus, alors il ne tient qu’à moi de faire de cette 18éme journée une belle journée !
Et belle, elle l’a été en effet. Je me suis plongée toute la matinée dans la lecture de l’une de mes autrices favorites du moment à l’écriture très divertissante, Liane Moriarty, dont j’ai téléchargé le dernier roman. L’après midi mini-ballade de quartier (faute de mieux) avec l’adolescent, que j’ai littéralement du arracher du canapé. Le tout agrémenté de beaucoup de câlins, fous rires et parties de Mario Kart endiablées.
Bref, je sais qu’il y aura d’autres « coups de blues » mais je me suis faite la promesse de ne plus me laisser entraîner aussi loin dans la morosité et de m’en tenir à mes résolutions du début : m’écouter avant tout, ne pas me projeter, tirer le meilleur de la situation et vivre au jour le jour en profitant pleinement de mes 2 amours à mes côtés et de chaque bon moment que la vie a à nous offrir.
Haut les coeurs ! Et bonne 3673 ème… heu 19ème journée de confinement à vous !
Je crois que cette période est propice aux émotions qui vont un peu dans tous les sens! Bon courage pour la suite. Une belle journée est toujours un cadeau
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