Depuis l’impardonnable censure sur FB et IG de la photo de couverture de Télérama qui faisait sa une sur la Grossophobie avec une superbe photo de Leslie Barbara Butch, il y a quelques semaines, on a beaucoup associé grossophobie et réseaux sociaux.
Sauf que les réseaux sociaux (et leurs algorithme de censure) ne sont que le reflet des « valeurs » véhiculées par la société elle-même depuis des décennies, entre autres les injonctions relatives à l’apparence physiques en général et à la minceur en particulier dont on nous martèle le crâne depuis notre plus tendre enfance.
Donc non, la grossophobie ne date certainement pas d’hier, et la censure des gros nous a été imposée bien avant l’apparition des réseaux sociaux dans nos vies.
La différence dérange
Tout d’abord, être gros, cela signifie avoir une caractéristique physique qui se distingue, qui fait de vous une personne différente.
Qui peut dire que dans la cour de son école on ne se moquait du petit ou de la petite grosse ? De la grande tige ou du petit nain ? Du garçon aux grandes oreilles ou de la fille aux dents de lapin ?
Le rejet de toute caractéristique physique « hors normes » de tout ce qui est différent de soi est une réaction bassement humaine malheureusement presque naturelle.
Ce « rejet » de la différence décrite et analysé par la philosophie depuis ses origines à toujours existé, et existera sans doute toujours.
Car c’est ainsi, la différence, que ce soit la sienne ou celle des autres, dérange.
La société « moderne » (en tous cas celle dans laquelle j’évolue depuis mon enfance), société de l’image et du paraître, a toutefois accordé tellement d’importance à l’apparence physique, qu’elle semble avoir pris le pas sur tout autre caractéristique qui font qu’une personne un être unique et singulier.
La discrimination à l’embauche sur le critère de l’apparence physique, bien que tabou, et malgré une loi, existe bel et bien et est l’illustration parfaite qu’aujourd’hui, pour réussir, mieux vaut correspondre au normes de « beauté » en vigueur.
Gros, coupable et faible
Et pour ce qui concerne une personne en surpoids, c’est la double peine : non seulement elle est différente et « hors norme » par son apparence physique, mais on juge d’emblée que cette différence révèle un trait de personnalité des plus mal perçu en ces temps de culte du dépassement de soi et de la recherche permanente de la performance : elle es FAIBLE.
Oui, car si tu es gros c’est obligatoirement de ta faute : tu manges trop, tu te laisses aller, tu n’as aucune volonté.
Au delà d’un simple rejet, cette intolérance vis à vis des personnes en surpoids entraîne de véritable discriminations, c’est en cela que l’on peut parler de réelle « phobie ».
Et cela est d’autant plus injuste que ce n’est ni vrai, ni justifié et que surtout ça ne se juge pas. La volonté, la force de caractère de quelqu’un, tout comme sa valeur ne se mesure pas à son tour de taille.
Vérités incontestables
Comme je le raconte dans mon article au sujet de mon trouble du comportement alimentaire (https://toutesmesvies.com/2019/10/17/le-tca-un-trouble-tres-envahissant/) lorsque je parle de ses origines, j’étais enfant dans les années 80.
Et on peut dire que dans ces années là certains aspects de la pédopsychologie n’étaient pas encore vraiment parvenue jusqu’aux classes ouvrières.
Dans certains foyers on considérait encore les enfants comme des « sous êtres » à qui on pouvait dire tout et n’importe quoi sans aucune retenue concernant leur aspect physique sans aucune conscience des conséquences que pourraient avoir ces commentaires négatifs (ou en tous cas perçus négativement) sur la perception de leur propre corps mais aussi de celui des autres.
Tous ces mots, ces commentaires, ces jugements venant d’adultes et donc perçus comme des « vérités incontestables » dans les oreilles enfantines, constituaient le terreau idéal à l’émergence d’idées et de comportement d’auto-dénigrements, de dénigrement ou de rejet de toute forme de « non-conformité » physique et notamment le surpoids, qui comme je l’ai expliqué plus haut ne tolère aucune excuse.
Chez moi, il était considéré comme impoli de critiquer l’apparence physique des autres et on accordait beaucoup plus d’importance à la « beauté intérieure » et aux valeurs d’une personnes plutôt qu’à son aspect physique.
C’était loin d’être le cas dans tous les foyers de la classe moyenne et ouvrière ou on ne se privait nullement de commentaires désobligeant sur l’apparence physique d’un camarade, d’un professeur ou d’autres parents…
Dans ces mêmes foyers, la TV avait une place centrale dans le fonctionnement même de la vie de la famille. Coïncidence ?
Rappelons nous qu’à l’époque, la TV était considérée comme la source de toutes vérités incontestables. Vous savez cette époque ou la mention « vu à la télé » était perçue comme la certification ultime.
Et il se trouve que par ses émissions, ses séries et ses publicités, la TV était le premier vecteur de ces injonctions à correspondre à des normes physiques « formatée » et de rigueur pour être acceptée et avoir sa place dans le monde.
Suivi de près par les magazines féminins, les campagnes d’affichages publicitaires…
Dommages co-latéraux
Je n’ai jamais été en surpoids.
Je n’ai personnellement pas été victime de « grossophobie » dans le sens discriminatoire, à savoir rejetée, moquée ou exclue parce que j’étais grosse.
Toutefois, comme toutes les personnes ayant souffert ou souffrant d’un trouble du comportement alimentaire restrictif de type anorexie je me considère comme une victimes de ces injonctions et de cette tyrannie de la minceur.
D’ailleurs, la grossophobie au premier degré (la peur du gros), est symptomatique de l’anorexie, dans le sens ou la personne atteinte à une peur viscérale, incontrôlable de prendre du poids et de devenir gros.
Et je peux vous le confirmer, durant mes 20 années de trouble, ma plus grande peur après la maladie était celle de grossir. Une vraie peur, une angoisse réelle, persistante et envahissante. Une de celle qui contrôle votre existence toute entière et peut vous emmener jusqu’à l’envie de mourir.
Je suis abasourdie que certains médias audio-visuels ou autre diffusent des articles, sujets ou chroniques sur cette thématique de la « Grossophobie » parce que c’est la mode de la dénoncer, et de dénoncer en particulier son existence sur les réseaux sociaux alors que ce sont précisément ces mêmes médias qui on mis en place et diffusé massivement pendant des décennies ce message de rejet de la personne en surpoids et ses injonctions a être toujours plus mince.
Je me désole chaque jour de constater à quel point nous vivons dans une société à la fois schizophrène et amnésique.
Indéniablement.
J’ai bien peur d’avoir à terminer cet article sur ce triste constat, mais je vous rassure dans un prochain article, je vous parlerai de l’organisation « Body Positive » que j’ai justement appris à connaitre via les réseaux sociaux.
Je vous raconterais comment ce mouvement m’a apporté une aide précieuse et un soutien indispensable dans mon combat et ma victoire sur mon TCA…
Et ça, c’est que du positif !!
Parce que les réseaux sociaux c’est cela aussi !
D’ailleurs, vous pouvez me suivre sur Instagram : @toutesnovies
Un très bel article qui remet les pendules à l’heure mais qui, surtout, fait du bien ! Merci !
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