Ma musique, mes idoles #2
Un mercredi après midi de l’année 1988.
Bon, je vais encore tenir la chandelle mais tant pis, j’ai trop envie d’aller au cinéma…
Ils veulent aller voir le film de Michael Jackson, je sais plus comment ça s’appelle… je sais pas vraiment quoi en penser… c’est vrai que j’aime bien sa chanson « Bad », l’autre jour on a pas arrêté de la passer à la boum… elle est vraiment cool ! « you know Im Bad, Im Bad… »
Mais bon de là à aller voir tout un film… et puis on sait même pas de quoi ça parle en plus…
En plus, bon, de ce que j’en sais de ce chanteur il est plutôt bizarre, il parait qu’il dort dans un caisson à oxygène pour pas vieillir, et qu’il se fait blanchir la peau…
Et puis je m’en rappelle quand j’étais petite et que son clip ou il se transformait en Loup Garou est passé à la télé dans Champs Elysée, mon père avait fermé la porte parce que ma mère voulait pas qu’on regarde.
A la fin du clip, mon père à rouvert la porte en disant : « il est fou ce Michael Jackson ! »
Peut être que le film va faire peur… j’espère pas après je vais encore pas dormir…
Ah merde le copain de Sylvie est venu avec un copain… qu’il compte pas une seconde me demander de sortir avec lui il est beaucoup trop moche….haaaaan et il fume en plus ! Remarque il doit avoir au moins 14 ans…
Bon allez hop, ça ouvre, vite vite, c’est parti !
Chhhhhhhhhhhhut ça commence…
Je n’avais qu’une envie quand je suis sortie, y retourner !
Retourner dans ce monde complètement hors du temps ou la musique et la danse règnent en maître.
J’ai été emportée, captivée dès les premières minutes du film. J’avais envie que ça ne se termine jamais.
J’avais seulement 12 ans et pourtant je m’en souviens comme si c’était hier. Je me souviens qu’il n’y avait pas grand monde dans la salle à part quelques pré-ados comme nous.
Pour ma part c’est par ce biais que j’ai découvert MJ et son univers.
Et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il m’a envoûté.
Avant cela, je n’avais jamais vu MJ en mouvement, car chez nous la TV s’allumait pour le visionnage exclusif de programmes sélectionnés à l’avance par ma mère après consultation du programme TV issu de La Vie Magazine, et « les informations » s’écoutaient à la radio.
Il y avait donc peu de chance pour que je tombe « par hasard » sur un clip ou un extrait de concert de MJ.
Hormis le verdict sans appel de mon père après le visionnage du clip de Thriller 4 ans auparavant, l’affiche du film et la photo de la pochette du disque, je ne savais rien ou presque de la pop star.
Je pense que le fait que je le voyais pour la première fois en mouvement dans l’ambiance feutrée d’une salle obscure et sur grand écran à amplifié la fascination que j’ai pu ressentir.
Sortie de là je n’avais plus qu’une seule idée en tête : me procurer l’album « Bad » au plus vite, et me documenter sur le phénomène MJ. Comprendre : acheter des magazines et retapisser ma chambre de posters.
Je savais que ma mère ne serait jamais d’accord pour m’acheter la cassette. Mais j’avais un plan, je l’avais vu chez mon copain JP, je savais qu’il serait d’accord pour me la « repiquer ».
C’est ainsi que, quelques jours plus tard, a commencé ma longue histoire d’amour avec le King of Pop.
Un monde à part
A la fin des années 80, MJ se partageait avec Madonna le devant de la scène de la pop internationale.
C’était ce qu’on appelait à l’époque des « supers stars », avec tout le mystère et la distance que cela impliquait alors, et qui n’était pas sans ajouter encore à la fascination qu’elles exerçaient sur leurs fans.
A part ce que l’on pouvait lire dans les magazines, on ne savait rien d’eux ou presque. Pas de compte instagram, pas de twitts ni de page Facebook.
De très rares apparitions TV.
Elles étaient entourées d’une aura de mystère.

Pour nous, petit Français, les pops stars américaines faisaient partie d’un monde lointain et inaccessible, presque irréel.
On avait du mal à imaginer qu’elles avaient une vraie vie.
En ce sens elles étaient, de leur vivant déjà, quasi « mythiques ».
MJ savait comme nul autre entretenir ce mystère et alimenter ce mythe. Ce qui je pense à fini d’une certaine manière par se retourner contre lui.
Et puis il y avait la rareté de leurs production artistique. Pour ce qui concernait MJ, un album tous les 4 ans depuis la sortie de son premier album solo sous le Label Epic « Off The Wall ».
On attendait fébrilement chaque sortie et on se précipitait à la FNAC pour se procurer le nouvel opus au plus vite.
Ce fut en tous cas ce que je fis à la sortie de l’Album Dangerous en 1991, que j’ai acheté en CD le premier samedi de sa mise en rayon.
4 ans, c’est long ! J’avais entre temps usé la bande de la cassette de Bad dupliquée par mon copain JP.
MJ Addiction
Je pense que mon seuil de fanitude à atteint son maximum cette année là.
Mon frère ayant fait ce dont j’étais incapable, à savoir économiser son argent de poche de l’année et celui de ses étrennes, avait pu s’offrir et installer dans sa chambre un matériel audio d’un niveau de qualité tout à fait honorable.
Nous prenions un plaisir infini à pousser l’ampli pour profiter à plein volume de la perfection et de la pureté sonore de cet album.
Le riff de guitare de « Black or White » les basses de « Who is it », le son du verre brisé au début de « Jam », l’intro classique de »Will you be There », les mimiques vocales de mon idole, on vivait les chanson « de l’intérieur ».

Tous les matins je partais au Lycée avec mon lecteur CD portable (walkman CD) et je ne manquais pas une occasion d’appuyer sur la touche PLAY même pour quelques instants… J’étais complètement accro de cet album. Je n’écoutais plus que ça en boucle.
Sur la porte de ma chambre, juste en face de mon lit, un poster de MJ grandeur nature. Une photo qui faisait partie d’une série faite pendant le making off du clip Black Or White ou il posait avec la panthère noire du clip.

Un dictionnaire Français/Anglais à porté de main, j’avais décortiqué et traduites toutes les paroles des chansons figurant dans le livret du CD. Paroles que je connaissais par coeur au demeurant.
Je me suis intéressée à sa biographie et a sa discographie, et j’ai découvert et adoré ses premiers albums solo sous le label Epic : Off The Wall et Thriller. J’étais moins séduite par sa période Motown, plus lisse et « standardisée » selon les codes de la maison de disque et de la soul music d’une certaine époque.
Ce que je trouvais surtout magnifique dans les titres enregistrés à cette période était sa voix enfantine cristalline, d’une clarté exceptionnelle dont il avait déjà une maîtrise parfaite.
Je pense en tous cas qu’il fut toute une période ou je n’écoutais plus que la musique de MJ. J’alternais les albums certes, mais c’était toujours MJ.
Sa personnalité et le mystère qui entourait sa vie aussi me fascinait.

J’adorais son look « à part » et son physique androgyne qui faisaient de lui à mes yeux un personnage et un artiste vraiment unique.
Je trouvais qu’il n’appartenait à aucun « genre » et ne l’en trouvais d’autant plus beau. J’étais sous le charme de son sourire éclatant, son corps mince, sa prestance, sa finesse.
Captivée par la précision et la fluidité de ses mouvements et de ses pas de danse, je le trouvais terriblement sexy et attirant.
Je me fichais du nombre d’opérations de chirurgie qu’il avait subit, c’était son choix et je respectais cela. Qui mieux qu’une ado complexée peut comprendre que l’on puisse souffrir de son apparence physique et vouloir à tout prix en corriger les défauts et en modifier l’aspect ? Je le trouvais beau avant, et aussi comme ça. Quant à sa « pâleur » croissante, je croyais en cette histoire de vitiligo qui lui obligeait à blanchir sa peau.
Ironie de l’histoire difficile à avouer, j’étais jalouse de tous ces enfants et adolescents qui gravitaient autour de lui et que l’on voyait riant aux éclats à ses côtés sur les photos. Comme tous les fans, je savais que certains d’entre eux étaient régulièrement invités à Never Land et j’aurais donné n’importe quoi pour être à leur place.
L’expérience LIVE
J’avais une cassette vidéo d’un live à Bucarest du Dangerous World Tour que j’adorais regarder. J’imaginais quelle magie cela pouvait être de voir cette immense star et le spectacle prodigieux que représentait un de ses concerts en VRAI. C’était aussi un de mes rêves de fan, mais celui ci était moins inaccessible que celui d’être invitée un jour à Neverland !
Et finalement, le 25 juin 1997, pour 285 francs, ce rêve à pris forme sous mes yeux au stade Gerland de Lyon.
Presque un an après la sortie de l’album History, que je connaissais déjà par coeur, la tournée éponyme passait par Lyon et Paris.
J’avais à présent « l’âge » d’assister à des concerts, il n’était pas question de laisser passer cette chance.
Tout est dit dans ce reportage un brin ironique tiré du journal télévisé de France 2, MJ ne nous a pas déçu ce jour là et nous a offert un spectacle proprement époustouflant.
Pour un fan, rien n’égale le plaisir que procure celui de voir son idole se produire sous ses yeux, d’entendre le son de sa voix sans la barrière d’un support. Et s’agissant de MJ, la démesure était au Rendez-vous, et le show à couper le souffle.
Je me souviens que l’intensité de l’émotion à duré pendant plusieurs jours. Je n’avais pas envie que le temps passe, que ce jour s’éloigne, je voulais garder les souvenirs intacts, les empêcher de s’effacer.
Nous avions été transportés pendant quelques heures dans un autre univers, un espace hors du temps, et vécu un moment magique.
C’est cette image, ce souvenir de ma Star que je garde en tant que fan.
Car pour moi l’histoire s’est arrêtée là.
This is It…
Pour moi la Magie MJ a cessé d’opérer après l’album History.
Musicalement, je pense que son univers, son style unique n’étaient pas faits pour s’adapter aux tendances de la décennie 2000-10.
Commercialement et en terme d’image, il n’était pas du tout en phase avec les nouveaux codes du Star system.
Il faisait partie d’une « ancienne » génération de « Supers Pop Stars » et aurait irrémédiablement basculé dans le « has-been ».
Il avait brillé beaucoup trop jeune et surtout trop intensément pour le faire dans la durée.
Sans parler des nombreuses affaires de pédophilie dans lesquelles il était empêtré depuis quelques années déjà.
Personnellement, mais ce n’est que mon avis, je pense que sa mort était un suicide déguisé.
Je pense que, consciemment ou non, il se sentait incapable d’assumer la pression d’une nouvelle tournée dans un contexte « à charge » contre lui dans tous les domaines.
Pour moi, il a préféré quitter le jeu.
Pour être complètement honnête, je n’ai pas été véritablement affectée par sa mort, car pour moi, c’est terrible à dire mais MJ, le MJ de Moonwalker, le MJ de Bad et de Dangerous, celui qui avait fait battre mon coeur d’adolescente puis de jeune adulte, qui m’avait rendu addict à ses chansons, celui là était mort depuis longtemps déjà.
Je suis plus troublée aujourd’hui qu’au moment de sa mort à vrai dire.
Il m’a été impossible de visionner le documentaire « Leaving Neverland ».
Ce que j’en ai entendu et les extraits que j’en ai vu m’ont suffit.
Comment nier l’évidence ?
Je sais que les « vrais fans » le font, aveuglés par leur amour pour leur idole.
Ce n’est pas mon cas et si cela fait de moi une fan infidèle, je l’assume.
Que les propos des victimes soit exagérés ou non, qu’ils soit motivés ou non par des intérêts financiers, il y avait bel et bien quelque chose de malsain dans son rapport avec les enfants. Cela n’est ni discutable, ni pardonnable.
Pour autant, il m’est impossible de renier ma fanitude, de « désaimer » le MJ de mon adolescence, sa musique, son personnage son oeuvre d’alors.
En visionnant, pour rédiger cet article, les extraits de clips, de concerts, les images de ses apparitions publiques, l’émotion que je ressens est intacte, je le vois avec les yeux et le coeur de l’ado que j’étais alors, et ceci est absolument incontrôlable.
Je ne peux pas, et je ne veux pas inhiber ces émotions car elles font partie de moi, de mon histoire en général et de mon histoire d’amour avec la musique en particulier.
Car tout comme la voix de Whitney m’a cueilli à la sortie de l’enfance et m’a donné envie de chanter, l’oeuvre de MJ, son imaginaire, son immense talent et son style ont également ouvert mon esprit à tout un univers musical et artistique qui a contribué a faire de moi la personne que je suis aujourd’hui.
Et cela, je ne pourrais jamais le renier.
