Enfant, s’il m’est arrivé de jouer “à la maman” c’était pour faire plaisir à mes copines.
Honnêtement, c’est une occupation qui ne me venait jamais, mais alors jamais à l’esprit.
Je jouais avec mon Arbre Magique, un de mes plus beaux cadeaux de Noël choisi avec soin sur “le catalogue de l’usine”.
J’inventais une vie somme toute très ordinaire à cette petite famille extraordinaire qui vivait dans un arbre qui se fermait la nuit tombée, qui prenait un ascenseur situé dans le tronc de l’arbre pour monter dans leur appartement.

Je me souviens comme si c’était hier de ce sentiment de satisfaction qui m’envahissait quand je tournais la petite manivelle permettant d’actionner l’ascenseur et me donnant ainsi le pouvoir de faire entrer au bercail la petite fille à couettes oranges ou le petit garçon blond.
Mais le plus kiffant était le mini arbre niche-de-chien situé au pied du grand arbre qui s’ouvrait comme un sucrier.
Chien qui, pour combler mon enthousiasme, était le quasi sosie version moulage polymère de mon propre chien à la différence prêt qu’il ne puait pas, ne toussait pas et répondait à toutes mes exigences au doigt et à l’oeil ! (enfin surtout au doigt en l’occurrence)
Je jouais au playmobils “cowboy” avec mon grand frère, duels et chevauchées sauvages faisaient parties de nos scénarios dans lesquels nos héros s’appelaient invariablement John (Wayne) et Steve (Mac Queen).
Je jouais avec mes peluches trop mignonnes faites de matières moelleuse, douces et chaleureuses. Lapins, nounours, chatons, bisounours, kiki… je leur faisais l’école, les câlinais, les cajolais, je dormais avec mais jamais au grand jamais il me venait à l’idée de faire semblant de les nourrir au biberon, les mettre à la sieste ou changer leur couche…
Bref, J’étais en quelque sorte le Dieu, le grand “ordonnateur” de tous ces petits mondes imaginaires. Et ça, ça me plaisait ! Ca me plaisait parce que je m’évadais complètement de la vie ordinaire, du vrai monde.
Pourquoi je serais aller “jouer à la maman” alors qu’une multitudes de mondes aussi magiques que mon arbre et une quantité infinie d’histoires s’offraient à moi avec comme seules limites celles de mon imagination…
Pourquoi serais je aller m’enfermer dans ce rôle qui consistait à effectuer des tâches aussi ingrates que répétitives et dont la seule fantaisie résidait peut être dans le choix de la tenue du faux bébé en plastique, souvent froid et dur et pas toujours mignon voir même carrément flippant selon les modèles.
J’étais fascinée par la force de conviction qui animait certaines de mes copines lorsqu’elles s’adonnaient à ce jeu de rôle et par le plaisir qu’elles y trouvaient.

Là, je sens que vous commencer à voir ou je veux en venir…
Car à vrai dire, lorsque, jeune adulte, le tic tac des horloges biologiques de mes amies d’alors commençait à faire un un raffut d’enfer, la trotteuse de la mienne restait obstinément silencieuse et c’est avec la même fascination interrogative que je regardais leur envie de devenir mère.
Tout comme l’idée de jouer à la maman quand j’étais petite, je ne ressentais ni l’envie ni le besoin de le devenir pour de vrai.
Depuis que je travaillais et que j’avais quitté la douce sécurité du foyer parental, la vie d’adulte me paraissait déjà bien assez compliquée… il me semblait suffisamment pesant d’endosser les responsabilités inhérentes à ma propre vie et d’en gérer du mieux que je pouvais tous les domaines.
Non seulement je ne me projetais absolument pas dans ce rôle de maman, dont tous les aspects ne me paraissait que contrainte, fatigue et responsabilité, sans rien qui puisse compenser ces côtés négatifs. Aucun argument ne parvenait à me convaincre ou plutôt à me faire ressentir une réelle envie.
A tel point qu’à 27 ans, je doutais que celle ci me vienne un jour, et honnêtement, personnellement ceci ne me perturbait pas le moins du monde.
Je commençais alors à répondre, quand on me posait la question de la maternité, que je ne voulais pas d’enfant.
C’est là que je me suis rendue compte que c’est plus aux autres qu’à moi même que la réponse posait problème.
Comme si en entrant dans période la plus féconde de sa vie la femme devait obligatoirement ressentir une sorte d’urgence procréatrice et que le fait qu’elle puisse ne pas avoir cette envie irrépressible d’enfanter faisait d’elle une erreur de la nature.
Cela paraît tellement incompréhensible, tellement improbable, anormal, qu’on on vous regarde comme si vous divaguiez, comme s’il était impossible que votre réponse soit sérieuse et encore moins crédible.
Je me souviens avoir regretté de répondre honnêtement, parce qu’alors constatant l’effroi que faisait naître ma réponse dans le regard de mon interlocuteur, qui n’aurait pas été pire si il s’était trouvé en tête à tête avec le plus dangereux des psychopathes sur le point de confesser tous ses crimes, je me sentais obligée de justifier ma réponse, rendre des comptes, au risque de passer pour la dernière des folles.
Et même alors, aucun argument ne paraissait recevable, tant et si bien que la discussion se clôturait invariablement par un lieu commun du type : tu es trop jeune, tu changeras d’avis, ce n’est pas le bon moment… et pour me libérer je répondais par l’affirmative.
Mais au fond de moi ça me mettait en rage de le faire car je ne voyais pas pourquoi j’étais obligé de dire “oui surement” alors que je pensais “ben non, en fait non j’en veux pas c’est tout”.
Toutes les conditions matérielles et sentimentales étaient à ce moment là réunies dans ma vie et j’avais l’âge “qu’il fallait” pour avoir un enfant. Malgré tout, je ne ressentais ni l’envie, ni le besoin de maternité.
Les bébés ne m’attendrissaient ni ne m’attiraient le moins du monde, les prendre dans mes bras m’angoissait.
Chaque fois que j’avais eu l’occasion de le faire, je n’avais eu aucune idée de la manière dont manipuler et porter ce minuscule être fragile, et quand j’avais enfin l’impression d’avoir trouver une posture qui me paraissait à peu près convenable, alors il se mettait à se tortiller, baver ou vomir (ou les 3) de manière aussi incontrôlée qu’inattendue.
J’étais tout aussi mal à l’aise avec les enfants à qui je ne savais ni comment m’adresser ni quoi dire.

Quant à la perspective d’être enceinte, elle se résumait pour moi en un seul adjectif : grosse. Grosse pendant 9 mois.
Plus ou moins grosse mais grosse quand même.
Des kilos pris, des kilos à perdre, un corps mutilé : bref que du bonheur en perspective !
Et que dire de ma tendance hypocondriaque qui voyait surtout dans cet état de “grossesse” une multitude de prise de risque pour ma santé allant jusqu’à la mise en danger de ma vie purement et simplement !
Alors imaginez le sentiment de terreur qui pouvait s’emparer de moi si je me mettais à penser à l’accouchement. Je dis “si” car en réalité j’évitais mentalement soigneusement le sujet, préférant le déni à la perspective d’une inévitable crise de panique.
J’essayais de croire très fort à ce mythe que me racontait ma mère selon lequel les désagréments de l’accouchement (que je me garderais bien d’énumérer ici, on ne va quand même pas s’infliger ça), la douleur en particulier, étaient effacés de la mémoire comme s’il n’avaient jamais existé tant le bonheur de donner la vie était grand et puissant.
Alors, si on n’en avait aucun souvenir, autant faire comme si cette étape n’existait pas et ne jamais y penser.
Plus sérieusement, il y a une raison dont je ne parlais pas parce que je sentais que le poids du tabou était trop lourd.
Cette raison c’est que je ne me sentais tout simplement pas en capacité d’endosser la responsabilité d’être mère.
Ni maintenant, ni jamais.
Ce n’était pas une question d’âge, je me sentais trop faible, trop fragile psychologiquement.Je connaissais déjà très bien sans pouvoir l’expliquer la part d’ombre qui sommeillait en moi, ce nuage noir endormi dans un coin de mon âme, qui se tenait prêt à l’absorber toute entière dès que les sentiments de peur ou d’insécurité devenaient trop présents.
Or, l’idée de créer une vie et d’en être responsable me terrorisait.
Devenir mère, ce serait plonger dans l’inconnu et réveiller cette part d’ombre
Et puis il est arrivé un moment ou j’ai compris que si mon désir de maternité était inexistant, le désir de paternité de l’homme qui partageait ma vie était lui bien réel.
Alors oui j’ai fait le choix de me lancer dans cette aventure même si le désir profond n’y était pas et malgré tout les risques que j’avais l’impression de prendre.
Je l’ai fait parce que c’était lui et que je savais qu’il saurait mieux qu’aucun autre être “l’homme de la situation” et j’étais loin d’imaginer à quel point ce serait le cas.
Alors oui, je suis finalement devenue mère.J’ai fait ce que tout le monde attendait de moi en tant que femme : j’ai donné la vie.
Mais ce ne fut ni sans mal, ni sans dommages (voir article “post-partum”) et si je n’avais pas eu le bon partenaire à mes côtés et un entourage bienveillant et attentif, cette maternité “non désirée” aurait pu se solder en drame humain.
Je n’exagère pas, je le pense vraiment.
Je pense vraiment que je n’étais pas une femme vouée à être mère, et mon épanouissement personnel et ma vie de femme n’auraient été amputés en rien si je n’avais pas eu d’enfant.
Car si toutes les femmes sont biologiquement conçues pour porter et donner la vie, toutes ne sont faites pour être mère.
Et l’accomplissement de la vie d’une femme ne passe pas forcément par la maternité.J’en suis convaincue. Qu’elle soit dotée d’un utérus ou non, une personne n’a pas nécessairement à passer par la case procréation pour s’accomplir en tant qu’individu.
Plus qu’un choix, c’est un ressenti. Je pense que l’envie et le besoin d’enfant se ressent presque physiquement, comme un manque, une évidence. Quand cette évidence n’existe pas, on ne peut ni la provoquer, ni s’en convaincre.
Et vous savez quoi ? Ce n’est pas un drame.
La survie de l’espèce ne sera pas menacée si vous faites le choix de vivre votre vie pour vous même, en toute individualité.
Il s’agit d’un choix personnel qui n’a pas à se justifier. Ni dans un sens, ni dans l’autre.
On ne demande jamais à une femme pourquoi elle a eu des enfants, ou pourquoi autant d’enfants. Jamais. Alors même que dans certains cas on aurait bien des raisons de le faire.
Par contre, une femme sans enfant met mal à l’aise. On a forcément envie de savoir pourquoi. D’emblée une femme qui n’a pas d’enfant est une anomalie. Il doit y avoir une raison, une explication.
Soyez vous-même, assumez ce choix, quelle qu’en soit la raison vous n’avez pas à vous en justifier.
C’est VOTRE corps, c’est VOTRE vie.
Que ce soit un choix par ressenti, (je ne me sens pas capable d’assumer un enfant, cette responsabilité est trop lourde pour moi), un choix de projet de vie (je préfère vivre pour moi même, faire le choix de l’individualité, privilégier ma carrière, ma passion, ou tout autre mode d’épanouissement), un choix sociétal (la société le monde actuel ne me paraît trop hostile pour accueillir de nouvelles vies), ou par conviction écologique (je ne veux pas participer au surpeuplement).
PERSONNE n’a le droit de juger vos raisons.
Et d’ailleurs personne n’est en droit d’exiger de les connaître, ni de vous culpabiliser pour ce choix.
Encore une fois c’est VOTRE vie.
Il vaut mieux assumer le choix de ne pas avoir d’enfant que devenir une mère défaillante. Pour vous même, l’enfant, et même pour la société… même si c’est tabou de le dire. Un choix fait à contre-coeur, une décision mal assumée, ont toujours des conséquences négatives. Et dans ce cas précis, elles peuvent être dévastatrices.
Personnellement, j’ai estimé que je pouvais faire ce choix malgré mon ressenti contraire car je savais que j’avais la chance d’avoir à mes côtés un partenaire qui saurait m’apporter un soutien sans faille, une présence de chaque instant. J’avais la conviction qu’il serait capable de palier à toutes mes faiblesses. Qu’il compenserait tous mes manques, toutes mes défaillances dans mon rôle de mère.
Longtemps mon fils a appelé “papaaaaaa !” quand il se réveillait la nuit ou qu’il avait mal quelque part. A l’école quand si on devait venir le chercher parce qu’il était malade, il demandait qu’on téléphone à son papa.
D’ailleurs j’ai pour habitude de dire que pendant les premières années de vie de mon fils, il était à la fois son père et sa mère.
Alors oui, encore aujourd’hui, alors que j’ai assumé ce choix depuis longtemps, lorsque je croise une maman dans la rue avec un bébé dans une poussette et un deuxième enfant en bas âge au bout du bras, ou lorsque je vois les mamans discuter entre elles avec passion devant l’école ou sur les bancs du parc, je les regarde avec la même perplexité que celle avec laquelle je regardais mes copines jouer à la poupée….
Et vous, dites moi ? Vous en avez ou pas ? Vous en voulez ou pas ? Vous hésitez ou pas ?
Quoiqu’il en soit, respectez vous, soyez vous même !
Un très grand merci Céline pour ce post, pour ton honnêteté à dire les choses.
Mon histoire de vie est différente, mais les problématiques sont au fond les mêmes. Je fais partie de celles qui jouaient à la poupée, qui ado s’imaginaient fonder une famille, une grande famille. J’ai eu la chance de rencontrer l’homme qui partage ma vie très jeune, et d’être toujours heureuse à ses côtés. Nous avions toujours imaginer avoir des enfants ensemble, sans être vraiment pressés.
Un jour, peu avant nos 30 ans, nous avons enfin ressenti l’envie de fonder « notre famille », de faire des mini-nous… Et ça n’a jamais marché. Nous avons vécu le difficile parcours de l’infertilité, la PMA, les FIV, ce que je ne souhaite à personne. Puis le parcours de l’adoption, les rendez-vous avec l’assistante sociale, la psychologue, qui étudient toute ta vie dans ses moindres détails et te demandent quel est ton « projet parental »… C’est si compliqué et si long alors que pour tant d’autres il suffit juste d’un câlin d’un soir…
Mais j’ai eu une grande chance dans cette épreuve : je n’ai pas arrêter de vivre pour autant. Je m’explique : beaucoup de « filles PMA » se disent que leur vie sera foutu si elle ne deviennent jamais maman. Personnellement, je n’ai jamais mis ma vie entre parenthèse, je me suis épanouie dans mon boulot, j’ai voyagé, en me disant que « ça viendrait quand ça viendrait ».
Et finalement, 10 ans après, nous sommes toujours 2, nous nous sommes adaptés, et nous ADORONS notre vie !
Le plus difficile a donc été de prendre cette décision d’arrêter la démarche d’adoption. Comment puis-je être cette femme qui AVANT voulait tant fonder une famille, en affrontant un vrai parcours du combattant (injection d’hormones, bloc opératoires…), et qui MAINTENANT ne ressent plus du tout cette envie ? Je vois mes copains épuisés de gérer leurs enfants au quotidien, je ne vois plus que les contraintes, je n’envie plus les mamans à la sortie des écoles, j’aime ma vie !! Quel dilemme… Alors que nous approchions sans doute du moment où nous pouvions devenir parents (après 3 ans d’agrément), nous avons décider d’arrêter la procédure.
Alors maintenant, quand on me demande si j’ai des enfants, la réponse est non. La question du pourquoi vient finalement assez rarement (peur de blesser ?). Mais je peux dire aujourd’hui que ce n’était pas mon choix initial, mais que désormais je n’en veux plus, que je suis vraiment heureuse ainsi, que nous aimons notre « famille de 2 ».
Ce qui me rends folle de rage, c’est quand j’ai entendu « tu n’en fais pas parce que tu es égoïste »… Quoi de plus égoïste que de vouloir devenir mère ? Je ne crois pas qu’on fasse l’enfant « pour lui » mais pour soi (ou par amour dans ton cas).
Bref, voilà ma tranche de vie, mes difficultés, mes interrogations…
Alors que vous vouliez ou non des enfants, que vous en fassiez ou pas, n’oubliez pas de profiter de VOTRE vie, ne mettez pas votre vie en parenthèse (pour gérer les enfants petits, ou dans l’attente d’en avoir un).
Encore merci pour tes messages Céline qui nous rappellent que l’on ne vit pas seulement mère, mais que l’on est aussi toutes ces femmes dont tu parles !
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Merci à toi, Polette pour ce message touchant qui a pour moi une forte résonance même si nos situations sont totalement différentes. Car il est une voix de plus qui témoigne que non seulement il n’y a pas un seul modèle, un idéal de vie, mais aussi que nous pouvons évoluer, changer, que la vie nous emmène parfois sur des voies qui viennent à diverger ensuite selon nos propres changement d’état d’esprit, de vision, de projets de vie… Quant à la notion d’égoïsme, ma foi, elle est très subjective. Et si vivre selon son propre modèle, ses propres choix c’est être égoïste, alors nous le sommes tous d’une manière ou d’une autre. Encore merci à toi pour tes mots, je vous souhaite une très belle vie à 2.
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